image et son : des espaces de création
quand le son devient image
les formes qui construisent l’espace le son comme moteur de la démarche exploratoire
composer l’espace en formes et en sons
Le son comme moteur de la démarche exploratoire
Le graphisme et la musique s’enrichissent mutuellement en créant un dialogue entre l’auditif et le visuel. La notion de synesthésie est centrale dans cette réflexion, car elle met en lumière les correspondances entre les sens : un son peut évoquer une couleur, une forme ou une texture, et inversement. Cette approche nourrit mon travail, en me permettant d’explorer comment ces disciplines peuvent se compléter pour créer des expériences artistiques immersives et engageantes.
Dans les exemples étudiés dans la partie “les formes qui construisent l’espace”
* Björk, avec Biophilia (cf.01), explore le lien entre musique, nature, et technologie à travers une application interactive où chaque chanson est associée à des formes visuelles dynamiques. Ces formes traduisent les sons en motifs géométriques ou organiques, permettant de visualiser le rythme, les mélodies ou les textures sonores. (0.32 à 0.56)
Dans ma démarche exploratoire, j’ai cherché à traduire visuellement les émotions, les rythmes et les textures sonores d’une production musicale. J’ai collaboré avec un beatmaker, Wither (cf.02), une connaissance toulousaine, dont les créations sont devenues la base de mes explorations plastiques et graphiques. Pour comprendre et capturer l’essence de la musique, j’ai écouté sa production en boucle, me plongeant dans chaque détail sonore, et en laissant le rythme et les variations de la musique guider mon processus créatif.
Au fur et à mesure de cette écoute répétée, j’ai commencé à créer des formes visuelles qui traduisaient ces sons. J’ai élaboré un protocole qui me permettait de formaliser cette traduction : chaque élément sonore était associé à un type de forme, de ligne ou de motif précis. Par exemple, les basses profondes ont été représentées par des formes arrondies et massives, les aigus par des lignes fines et tendues, et les rythmes par des répétitions ou des motifs en mouvement. Ce protocole m’a aidé à structurer mon travail, en associant chaque son à un lexique graphique précis, tout en explorant des notions telles que la modularité, la répétition, le contraste et le mouvement.
J’ai travaillé en grand format, l’utilisant comme support pour une transposition continue de ces éléments sonores en formes. Le grand format permettait non seulement une plus grande liberté d’expression, mais aussi de mieux saisir l’intensité et la dynamique de la musique à travers des variations d’échelle. L’utilisation du scan et de l’impression m’a permis de capturer le mouvement et le rythme de la musique. En imprimant certaines formes et en les déplaçant, j’ai pu jouer avec le temps et la répétition, tout en accentuant la densité des formes au fur et à mesure que la musique se déployait. (cf.03)
À travers d’autres analyses, j’ai également découvert que cette traduction peut s’exprimer de différentes manières : projections lumineuses, installations sculpturales, ateliers interactifs ou scénographies immersives. Ces observations confirment que le graphisme et la musique, en dialogue, offrent un potentiel riche pour transformer l’expérience musicale en une immersion multisensorielle unique.
Le travail de projection lumineuse a particulièrement retenu mon attention lorsque je me suis intéressée aux créations de l’artiste soia pour le projet panorama. Le projet Panorama de l’artiste Soia (cf. 04-06), réalisé en 2021, s’intéresse à la projection lumineuse comme moyen d’expression graphique et immersive. Soia utilise des projections animées pour transformer l’espace, en jouant avec la lumière, le mouvement, et les rythmes visuels. Dans ce projet, les images projetées se déplacent à travers les surfaces, créant des paysages en constante évolution qui interagissent avec l’architecture et l’environnement du lieu. Ce projet est une exploration de la lumière comme matière graphique, où les formes se transforment, se dilatent et se contractent en rythme avec la projection.
D’un point de vue graphique, Panorama met en œuvre des notions de rythme visuel et de mouvement, utilisant la lumière pour construire une dynamique qui guide l’attention du spectateur. Les projections deviennent un support pour dessiner dans l’espace, créant des motifs lumineux qui, en se déplaçant, dessinent un parcours visuel. La lumière, en tant que médium, prend ici une dimension temporelle, apportant une évolution dans l’ambiance et l’atmosphère de l’espace, et introduisant une forme de narration visuelle qui se déploie dans le temps. Ce processus de transformation continue suggère une interaction fluide entre les formes graphiques et leur environnement.
Le travail de Soia soulève plusieurs notions clés : l’adaptabilité du graphisme à l’espace, la modularité des formes, et l’interaction du spectateur avec l’œuvre. Le mouvement de la projection et son rythme visuel sont essentiels pour maintenir une dynamique de perception, en stimulant l’attention tout en permettant une immersion progressive dans l’espace. Le contraste entre lumière et ombre, et l’évolution continue des projections, introduit une exploration de l’éphémère, du fugace, tout en offrant une forme d’expérience sensorielle. Ce projet interroge également l’idée de transformation d’un lieu en un espace vivant, en constante mutation, grâce à l’activation visuelle de l’espace par la lumière.
Cette réflexion m’a conduite à envisager un parallèle entre les projections lumineuses, comme celles utilisées dans le projet Panorama de Soia, et les œuvres tridimensionnelles intégrées dans l’espace, telles que le Lumigraphe de Patrick Lindsay (cf. 07-09). Bien que ces deux approches diffèrent dans leurs techniques et matériaux, elles partagent des points communs essentiels en termes de dynamique visuelle, d’interaction avec l’espace et de relation avec le spectateur.
Le Lumigraphe de Patrick Lindsay, repose sur un principe de sculpture lumineuse tridimensionnelle, où des formes en volume sont créées à partir de lumières fixes ou en mouvement. Ces œuvres sont pensées comme des sculptures lumineuses, souvent interactives, qui intègrent des éléments de design graphique, de géométrie et de spatialité. Le Lumigraphe exploite la lumière pour dessiner des formes lumineuses en 2d, mais contrairement à Panorama, il ne dépend pas de projections animées sur des surfaces, mais d’installations physiques qui peuvent interagir avec leur environnement à travers les éclairages et leur agencement spatial.
Ces deux démarches révèlent un point de convergence entre la scène, l’espace, le son et les formes. Les jeux de lumière, sous forme de projections immersives, transforment l’environnement en modulant les ombres, les couleurs et les textures. Ces créations, qui associent lumière, son et graphisme, enveloppent le spectateur dans une expérience multisensorielle.
Dans ces installations lumineuses, le son joue souvent un rôle clé, interagissant avec la lumière pour créer une composition graphique en mouvement constant. L’abstraction qui en résulte invite le spectateur à se projeter et à interpréter librement l’œuvre renforçant ainsi l’immersion et la richesse de l’expérience.
Dans ces installations lumineuses, le rôle du son est important car il interagit avec la lumière, créant une composition graphique qui évolue constamment. L’abstraction qui en découle — les formes lumineuses en mouvement et les sons qui les accompagnent — offre un espace d’interprétation ouverte au spectateur.
En effet, le spectateur devient un acteur clé de l’œuvre. Les installations ne proposent pas une signification figée ou une lecture unique, mais laissent place à une interprétation personnelle. Chaque individu peut projeter ses propres émotions, perceptions et expériences dans l’œuvre, en fonction de sa sensibilité au rythme, à la lumière et aux sons qui se déploient dans l’espace.
Le son, souvent modifié par des variations de rythme, de volume ou de texture, influence directement la perception de la lumière, provoquant des réactions sensorielles différentes à chaque instant. Cela permet au spectateur de naviguer à travers l’œuvre en fonction de ses propres sensations et interprétations, renforçant ainsi l’immersion dans l’univers visuel et sonore.
Ce dialogue entre la lumière et le son, tout en étant abstrait, encourage une expérience sensorielle fluide et dynamique, où chaque visiteur peut ressentir l’œuvre de manière unique. L’œuvre n’est pas perçue comme une entité fermée et définitive, mais comme une invitation à explorer et à expérimenter des impressions visuelles et sonores sans contrainte, et à les traduire à travers une interprétation personnelle. Cette liberté d’interprétation fait de chaque rencontre avec l’installation une expérience riche et subjective.
Dans ma réflexion, ce qui m’intéresse particulièrement, c’est d’étendre mes créations graphiques issues de la musique à l’échelle de l’espace, en les matérialisant en trois dimensions et à grande échelle. L’objectif est de concevoir des installations immersives où les formes générées par la musique, telles que des motifs, des lignes et des textures, prennent vie dans l’espace. Ces œuvres seraient réalisées avec divers matériaux, permettant ainsi aux spectateurs de se déplacer autour, de les contempler sous différents angles, et même d’interagir avec elles, offrant une expérience sensorielle complète. Ce concept s’inspire du travail de Morgan Patimo (cf.10-12), plasticien dont l’approche repose sur l’improvisation. Il transforme la musique et les dessins en installations spatiales, en utilisant des formes peintes et découpées qui prennent vie dans l’espace. L’interaction avec cet espace devient cruciale, car, à l’instar de la musique, ces installations se transforment en expériences sensorielles. Le visiteur peut se déplacer, toucher, observer et s’immerger dans un environnement où chaque détail visuel et spatial participe à l’ambiance globale.
Ces expériences sont souvent caractérisées par des formes imposantes et colorées, créant un univers ludique et enveloppant. Tout comme un artiste occupe la scène pendant un concert, ces installations habitent pleinement l’espace, dépassant le rôle traditionnel d’objet d’observation pour devenir une véritable immersion.
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